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L’insécurité dans le Nord-Kivu et en Ituri fait des victimes même là où règne la paix. À Kisangani, par exemple, les étudiants ressortissants de ces deux provinces traversent des moments acrimonieux. Leur vécu quotidien dégage une morosité. Chaque nuit, chaque jour, ils s’attendent au cauchemar.
C’est comme Sage, étudiant à l’Université de Kisangani, avec qui nous avons échangé. Ses inquiétudes se multiplient à chaque fois qu’il pense à sa famille. Et c’est impossible qu’il passe un jour, sans parler à ses frères et sœurs vivant à Beni.
Cœur à Beni, corps à Kisangani
En plein jour, il fait nuit dans son cœur. Beni est sa ville natale. Toute sa famille, sa mère, ainsi que ses deux petites sœurs, s’y trouve. Il a toujours une terreur en lui. Une instabilité psychique gagne son esprit. Pour cause, son Beni natal est devenu un abattoir des humains.
Les auteurs des tueries dans l’Est sont éparpillés, presque dans tout Beni. Ils tuent ici, ils pillent là-bas, ils violent à leur propre gré. Quand, le matin, Sage se réveille, il joint sa famille afin d’avoir des nouvelles. C’est toujours un miracle d’entendre la voix de sa mère.
Il a son cœur à Beni, et son corps à Kisangani. Pendant les vacances, Sage a toujours voulu rejoindre les siens. Cela depuis 5 ans aujourd’hui. Il est, cependant, contré par ce démon très géant, difficile à dévier. Un démon qui a pris le contrôle des routes et des sentiers pouvant l’amener à Beni. Il aimerait revoir sa famille et, encore une fois, être avec sa maman et ses deux jeunes sœurs autour d’une même table, partager les traditionnels ”bikichwa”. Mais comment y arriver ?
Doublement victime
Des années passent, des évènements malheureux se succèdent, Sage se sent éloigné de sa famille. Il était facile pour lui de recevoir des colis en provenance de sa mère. Dorénavant, tout à changer. De Kasindi à Beni, les villages se vident chaque jour. De Kasindi à Butembo, passant par Karuruma ( raccourci entre les deux entités), les ADF font la loi en toute quiétude. De l’autre côté en Ituri, au niveau de Komanda, l’on vit la même situation. Cette déconnexion pèse sur la vie quotidienne de tout ressortissant de Beni ou de l’Ituri.
Maigre moyen à la maison, Sage bénéficie quand même d’une somme pour répondre aux besoins primaires. Mais avec les massacres à répétition, une crise financière s’impose de plus en plus. Et comme le malheur ne vient jamais seul, les prix de denrées alimentaires galopent sur le marché. Du coup, joindre les deux bouts du mois devient un véritable chemin de croix. L’insécurité fait tarir sa source. Pendant ce temps, il faut doubler ce qu’il reçoit pour vivre. Déséquilibre total !
L’affliction s’accentue avec la conjoncture actuelle. De là où tout provient, l’on s’attend plutôt à la mort qu’à la vie. Le désir le plus ardent, c’est de voir les familles en vie, reprendre les activités champêtres, pour, enfin, un jour, les rencontrer comme souhaité.
Gaston MUKENDI
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