27 novembre 2024

TSHOPO KWETU

L'autre face de la Tshopo

Charles Kumbatulu Sita, histoire d’une vie consacrée entièrement à la nation

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Enseignement, Armée, politique, Éméritat professoral, c’est le résumé du vécu de Charles Kumbatulu Sita, actuellement Professeur Émérite à l’Université de Kisangani.

Assis sous un arbre, pendant qu’il menaçait de pleuvoir, le Professeur Charles kumbatulu m’a reçu à son domicile. Bien qu’avancé en âge, sur sa table un PC, il amendait un travail scientifique.

Notre échange a tourné autour de son parcours d’enseignant. Cependant, au cours de nos échanges, il m’a fait découvrir son parcours politique et militaire zaïrois. Je vous en parle ici.

D’une famille modeste à l’armée

Le Prof Kumbatulu Sita est né en 1945, à Viadana, territoire de N’poko, dans la province du Bas-Uele. Devenu orphelin de père très tôt, il a été adopté à l’âge de 5 ans, par son oncle maternel, enseignant d’une école primaire catholique. Ce dernier prendra en charge ses études primaires et les deux années préparatoires, avant de l’envoyer au petit séminaire, en 1959. Brillant et très apprécié par ses enseignants, il a été envoyé, sans son consentement, faire ses humanités au petit séminaire Saint Thérèse de l’enfant Jésus, à Rungu, dans le but de faire de lui un prêtre.

“À notre époque, on ne pouvait pas parler de vocation. On prenait les meilleurs élèves, on les envoyait au petit séminaire. Ceux qui suivaient aller au collège, et les autres allaient à l’école normale.”

Là, il est inscrit dans l’option Gréco-latine. Après 4 ans de succès au petit séminaire, selon le cursus prévu, à l’époque, c’est la poésie qui devait sanctionner les études humanitaires. Ce qui n’était pas le cas pour lui.
Pendant que tous les élèves étaient en vacances, se rappelle-t-il, les rebelles Simba Mulele avaient investi notre école. Ils ont tué tous nos enseignants. Heureusement pour nous” dit-il en remerciant Dieu.

Deux ans après ces événements tragiques, toutes les chances de reprendre avec les études s’étaient envolés. C’est ainsi que les séminaristes ont été envoyés à des collèges, notamment à Bunia, à Bukavu et à Kisangani. au collège Maele, où ira le Prof Charles. Selon son témoignage, l’actuel école Kalindula était leur internat.

Ne pouvant plus devenir prêtre, sa réussite au Collège lui a valu l’accès à toutes les facultés possibles au pays. Il va, en 1966, opter pour l’agronomie à Lovanium, actuelle Université de Kinshasa. Parti en congé pour son village, un nouveau désagrément intervient. La guerre conduite par Bob Denard va lui coûter tout ce qu’il avait. Sa vie recommence à zéro !

Écoutez en podcast la vie du feu Professeur Émérite Kalala N’kudi Pierre

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Courageux, Charles n’a pas croisé les bras. Il se lance, alors qu’il a 19 ans, dans l’enseignement primaire avec comme objectif, gagner ce qui lui permettra de poursuivre ses études à Lovanium. Arrivée à Léopold ville, en 1967, avec un retard de 3 mois, il sera réorienté en Lettres pour faire la philologie romane.

Vers la fin de son parcours académique, le Président Mobutu va décider d’enrôler tous les étudiants dans l’armée. Il sera, à la fin de la formation, envoyé au camp Tshatshi. Alors que tout était interdit aux militaires, sauf leur service, il rédigeait clandestinement son mémoire afin de finir l’Université. Ce qui réussira en dépit de tout. Il a terminé son service militaire avec le grade de Sergent.

Charles Kumbatulu avec Valérien Dhedya.

 

Carrière flamboyante dans l’enseignement supérieur.

L’intégration des étudiants dans l’armée était une punition. Affecté à Isiro pour servir sous le drapeau Zaïrois, c’était une occasion pour lui de rencontrer à nouveau son épouse. Quand Mobutu met fin à cette punition, sur conseil de son épouse, le Sergent Charles Kumbatulu décide de quitter l’armée pour se relancer dans l’enseignement, d’abord à l’école Saint Kizito, puis l’assistanat à l’Université de Bunia en 1976.
Nous étions avec le Professeur D’hedya” se rappelle-t-il.

Cette année marque une nouvelle ère de sa vie. Il obtient une bourse d’étude en Belgique où il fera son troisième cycle, à l’Université Libre de Bruxelles, en philosophie et lettres, dans le groupe de linguistique africaine. Depuis Bruxelles, après un parcours avec brio, il est recruté par le Professeur Benoît Veraghen. C’est ainsi qu’il intègre l’Université de Kisangani, plus précisément à la faculté des sciences sociales, en 1984. Des arrière-goûts, Il en a encore. ”J’étais assisté par l’actuel Professeur Omasombo.”

Ses prouesses ont séduit tout celui qui passait sur son chemin. Après une année et demi à l’Unikis, il a été, en 1985, nommé Secrétaire général académique à l’ISP Mbandaka. En 1992, il est cette fois nommé Directeur Général de l’ISP Buta, chef-lieu de Bas-Uele. Après un passage en politique, il a repris avec la science. À un temps record, il a été successivement nommé Doyen de la Faculté de Droit puis à la Faculté des Lettres. Avant d’être nommé Émérite, il a assumé la fonction de conseillé académique et scientifique du Recteur Toengao Lokundo, de 2010 à 2018.

Parcours politique

DG de l’ISP Buta, des ambitions politiques gagnent de la place dans son esprit. Il est devenu membre du RCD Goma. Dans ce parti, il est allé jusqu’à devenir secrétaire général du comité exécutif. Sa carrière politique a été marquée par quelques éléments. Il a été désigné par le sénat, pour participer à la rédaction de la Constitution. Au compte de la Province Orientale, il reconnaît y avoir été avec le Professeur Toengao, le feu maître Alauwa, le feu maître Kilima… Après la rédaction du projet de la Constitution, il a cessé avec la politique active pour se concentrer sur la science.

Ses réalisations !

Ses passages aux ISP Mbandaka et Bita, et l’Unikis ont des fruits palpables.

– À l’Institut Supérieur Pédagogique de Mbandaka, il a créé un centre de recherche dénommé Groupe de Recherche Linguistique sur les Langues Ubangiennes.

– Dans cette même ville, il a beaucoup contribué à la revue équatoriale, comme rédacteur.

– Pendant son mandat à la Faculté de Droit de l’Unikis, il a initié le troisième cycle. ” La plupart des professeurs qui sont là, ont été recrutés sous mon mandat. Le Prof Loko, le prof Lelo…ils étaient fixé comme assistants permanents à partir de mon mandat.” témoigne encore le Prof Charles.

– Doyen à la Faculté des Lettres, il est l’initiateur de la Radio Flambeau de l’Orient. Une idée conçue en collaboration avec le feu abbé Bwanga.

– À son actif, l’on peut encore compter l’hymne de l’Unikis. À en croire ses propos, il l’avait rédigé quand il était encore doyen de la Faculté des Lettres. ” Le texte de base c’est moi qui l’avais rédigé. Ça a été discuté au niveau du conseil de l’Université et adopté sous la forme actuelle.”

– Encore lui, il a conçu le drapeau de l’Unikis.

– Il est auteur d’une trentaine d’articles, d’un ouvrage collectif sur le Bas-Uele.

– À ce jour, il a formé 7 docteurs en thèse, avec encore deux thèses sous sa direction, 2 DES en cours de relecture.

– Il a rédigé plus de 9 cours.

– À l’Université Libre de Bruxelles, il a été primé meilleure thèse de l’année, laquelle il a soutenu publiquement. S’agissant de sa thèse, aucun exemplaire n’existe, à ce jour.

Aujourd’hui, Charles Kumbatulu Sita, l’un de 9 Professeurs Émérites de l’Université de Kisangani, attend la mécanisation liée à son titre. Père de plusieurs et pour plusieurs, son plus grand secret pour atteindre le progrès, c’est l’amour, m’a-t-il confié. Cette vertu reste le moteur d’action pour lui. .

Voyant son parcours, déjà à 19 ans, il devient enseignant, il passe par l’armée, la politique pour, au finish, atterrir dans l’enseignement supérieur, je peux conclure qu’il a consacré sa vie à l’intérêt de la nation. Vous aussi, qu’en pensez-vous ?

Gaston MUKENDI.

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